ETE PRECOCE

Liberté conditionnelle... 

25 juin 2015 11 heures

 

Lou, toujours ponctuel est là.

Mais mes papiers de sortie, sésame de ma libération, ne sont pas encore prêts.

Entre deux interventions côté maternité ou côté "malades", une interne s'y active. Mais elle a 4 sorties à gérer.

 

Nous attendons. Nous patientons. Temps des hôpitaux où tantôt il y a urgence et tout le monde s'agite, ou bien tout s'immobilise et l'on est momentanément "oublié".

 

J'au eu des nouvelles de Fleur : elle est bien rentrée chez elle, vers minuit... Et le tortillard n'a pas eu de retard.

 

Lou prend ma valise et mon sac et va les charger dans la voiture qu'il rapprochera de l'entrée, ainsi qu'il me le dira, profitant d'une place qui s'est libérée.

 

Je reste donc seule un moment, ouvre la baie vitrée. Respire l'air de dehors.

En bas c'est l'entrée des livraisons avec deux passages bétonnés de part et d'autres d'une cette sorte de no man's land central où pousse la mauvaise herbe et que seuls des chats et des oiseaux semblent fréquenter, ce qui a pour effet d'allumer à toute heure de la nuit les spots lumineux à détection de mouvements.

A l'ombre du bâtiment, sur ma gauche, des blouses blanches, hommes et femmes, font leur pause cigarette, causent fort et rient. D'autres passent en poussant d'énormes chariots métalliques, bruyants et brinquebalants, que je pense remplis de déchets médicaux en route pour leur recyclage ou leur incinération. Des camions de livreurs entrent et sortent.

 

Lou revient. Il dit qu'il fait très chaud.

De la rue, des bruits d'engins et de chantiers d'été nous parviennent. Lou m'informe que la chaussée devant l'entrée de la maternité est en plein travaux d'enfouissement de "trucs". Et que c'est "farci de touristes".

L'extérieur, ses bruits, ses odeurs et son agitation, entre ainsi par touches successives dans cet intérieur qui fut mon lieu de vie dans le temps de cette parenthèse, hors du temps et même hors de l'espace. 

Une accélération s'est mise en branle, me bouscule dans cette lenteur post opératoire et convalescente.

 

Vers onze heures vingt, l'interne vient m'apporter mes papiers.

Nous pouvons sortir.

Je passe soudain de la chambre, couloirs et escaliers frais, blancs et bleus, silencieux, impersonnels et vides, à la rue !

 

Happée par le soleil éblouissant, la chaleur étouffante, les couleurs trop violentes, l'odeur âcre de goudron, le chantier qui bat son plein, les ouvriers qui s'interpellent, les voitures qui roulent trop vite, les moteurs qui ronflent trop fort, trop de gens, trop de choses. 

 

Je m’engouffre dans notre voiture. Lou démarre sur les chapeaux de roues parce que le feu tricolore devant nous est au vert...

 

Tout va trop vite.

J'ai l'impression de me faire la belle après des années de prison ! Je suis en décalage complet. 

Je pensais que je serais simplement contente. Mais je n'ai pas le temps de l'être. Je suis trop bousculée, déphasée, secouée...

J'ai presque peur, agressée par cet univers de mouvements, de sons et de lumières vives.

J'ai été brutalement extraite du ventre de ce grand paquebot où j'ai passé quatre nuits et quatre jours, hors du monde.

 

Nous sortons de Cahors, roulons sur le plateau, entre les champs de céréales déjà mûres sous le bleu du ciel.

Cahors - Pont Valentré 2015©sironimo
Cahors - Pont Valentré 2015©sironimo

Et je me sens enfin un peu mieux.

 

Encore quelques kilomètres, puis nous entrons sous le couvert des chênes et là !!!... nous sommes assaillis par les centaines de crécelles assourdissantes des cigales !

 

Nous arrivons sur notre colline. 

Dernière manœuvre. La voiture est garée.

 

Je retrouve tout ce qui m'est familier. Tout ce qui me sécurise.

L'érable du Japon est posé sous l'auvent, tranquille dans son pot, débarrassé de son emballage plastique. Il étale doucement ses petites branches et feuilles. Je le salue. Passe ma main sur son feuillage comme sur la tête d'un enfant.

 

Je suis fatiguée. Contente d'être chez moi. Mais fatiguée. 

Nous avons mangé un morceau, salade, jambon, fruits, fromage... Emprunté le sentier autour de la colline.

Puis j'ai dormi jusqu'à quatre heures de l'après-midi.

Au réveil, il faut vite penser à téléphoner pour demander une infirmière à domicile pour le lendemain.

Libre... certes... mais pas trop.

 

Vendredi 26 juin - matin.

Lou part au marché fermier, et passe à la pharmacie pour faire les emplettes nécessaires aux soins !

Pendant ce temps je dors tout mon soûl.

L'après-midi est vite là.

Mais l'infirmière n'arrivera que tard dans la soirée.

La vue de mon redon la fait tiquer. "Ils vous ont laissé sortir avec un drain !!!"...

Elle n'aime pas ça. La voici toute grognon...

Elle l'est encore plus lorsque je lui dis qu'à l'hôpital on m'a ôté le premier sous gaz MEOPA.

"Ah oui, ben nous on n'en a pas !"

Je ne sais trop à quoi m'attendre. J'étais confiante, et je ne le suis plus. Plus du tout.

Et en effet !

Lorsqu'elle tire sur le drain, après l'avoir détaché (il est maintenu par un point), j'ai cru qu'elle arrachait un nerf de mon bras et j'ai crié de surprise et de douleur !

Décharge électrique  ou coup de couteau dans le bras  : au choix.

Je comprends mieux son air de ne pas vouloir y toucher...

 

Mais c'est déjà terminé. Un peu de lymphe s'écoule...

Le pansement changé, la piqûre dans le ventre faite... Les soins d'aujourd'hui s'arrêtent là. Elle peut repartir.

J'ai mal au bras. Là où le nerf a claqué. Comme une piqûre de guêpe, ou de frelon.

Je la revois le lendemain. Moins bougon. Et le matin cette fois, qu'elle situe à midi passé.... Nous sommes à table lorsqu'elle arrive enfin.

Jusqu'au jeudi 9 juillet inclus, j'aurais une infirmière tous les jours pour me faire cette piqûre !

Bloquée tous les matins par cette visite qui ne sera jamais à heure fixe, ni même effectuée par la même infirmière.

 

Le crabe extirpé, Karkinos éjecté, je me suis crue libre.... Libre ?

Non. Pas encore. 

Emprisonnée par une liste interminable de soins. De trajets. D'attentes. Coincée par les filins d'un calendrier incertain mais toujours trop rempli à mon goût.

Le crabe est cuit !  2015©A.Barjou
Le crabe est cuit ! 2015©A.Barjou

 

Le lundi 29 je dois déjà retourner à l'hôpital pour la visite post opératoire. J'ai rendez-vous à 17 heures.

Lou est avec moi.

Nous devrons attendre plus d'une heure que l'interne qui doit nous recevoir, soit sortie du bloc et d'une réunion.... C'était presque à prévoir. Nous commençons à avoir l'habitude, sans pour autant nous y faire !

Le Crabe est chronophage dira Lou plus tard...

 

Nous profiterons néanmoins de cet intermède pour nous installer dans cette boulangerie pâtisserie que j'avais repérée et croquer une tartelette aux noix, assis, et au frais relatif, jouant un peu les touristes, devant une fenêtre donnant sur la rue et ses voitures...

Nous parlons peu.

 

Enfin la jeune interne nous reçoit. Appliquée. Consciencieuse mais moins effacée cependant que lorsqu'elle suivait le Dr J. Neko dans ses visites. Elle se contentait alors de hocher la tête.

Elle regarde ma "cicatrice". La trouve "belle" et me dispense désormais de pansement.

J'allais m'en réjouir mais.... Elle me prescrit alors 20 séances de kinésithérapie à raison de 3 par semaine, avec rééducation et drainage lymphatique, et à entreprendre dans les dix jours. 

Ce qui me paraît énorme et repousse encore aux calendes grecque ma liberté.

 

Puis elle aborde le sujet "rayons". Ces fameux 25 rayons délivrant au total 50 Grays soit 2 Gy par séance (ce qui me paraît beaucoup... mais pourquoi faire moins quand on peut faire plus ? Cf. document ci-dessous !) auxquels je dois encore me soumettre ainsi que les trajets quotidiens qui en découlent pendant 5 semaines d’affilée !...

Nous réitérons notre désir d'aller sur Agen, plus proche de chez nous, en lieu et place de Montauban avec lequel ils ont l'habitude de travailler.

Il faudra attendre la réunion du Comité pluridisciplinaire et l'accord d'Agen.

Rien n'est simple.

 

Je me sens pousser des ailes mais... je reste attachée au sol !


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