MARIE EN MAI

La vie en dent de scie

Si le Fennec Rouge et ses trolls m'emportaient dans leur tanière pour une semaine puis me roulaient sous des vagues nauséeuses, pour ensuite me déposer, lessivée et essorée, sur la terre ferme et me laissaient là, où je n'avais plus qu'à me relever doucement, le Phacochère Noir lui, agit différemment.


Surprenant Phacochère !


Comme nos sangliers des collines, qui sont le plus souvent, discrets et invisibles, mais qui, un jour, ou plutôt une nuit, viennent en horde, labourer et défoncer notre pré, nos chemins et notre sous-bois, le Phacochère Noir ne bouge pas pendant deux, trois, parfois quatre jours et quatre nuits.

On se croit à l'abri de ses sabots et ses défenses...

 

Mais soudain, sans avertir, il déboule, et me dévaste.

Lou au matin ne peut que constater les dégâts.

Ceux des sangliers des collines.

Et ceux du Phacochère Noir.

Et puis les uns et l'autre repartent.

 

On ne sait quand ils vont revenir.

Mais ils reviennent !

Le Phacochère surgit d'une coup et pose ses aiguilles empoisonnées dans mon corps, mon ventre, ma chair, ma bouche... Brûle ma plante des pieds, ma paume des mains. 


Puis un beau matin, je me dis "Tiens, on dirait que mes doigts vont mieux !"


Et en effet, je constate avec plaisir qu'ils "grésillent" moins. J'arrive de nouveau à sentir les choses lorsque je les touche, je peux tenir des objets en main sans qu'ils ne m'échappent.


Mais c'est alors qu'un aphte vient me brûler la langue et m'empêcher de manger pendant quelques jours...

Puis c'est de l'acide qui se répand dans mon estomac. et des larmes piquantes qui se mettent à couler de mes yeux.


Samedi, (Jour 10), j'ai cru que j'allais mieux. 

Lueur d'espoir.

 

Dimanche matin (Jour 11) : j'ai plutôt bien dormi.

 

Lou fauche le grand pré et la grande truffière (celle où ne pousse aucune truffe, à moins que ce ne soient nos sangliers de collines qui s'en régalent !).

 Je m'installe donc devant mon thé vert et mon œuf à la coque. 

Comme je ne peux pas manger ou boire trop chaud, j'attends que le thé refroidisse en lisant mes courriels et les dernières informations du matin J'adore faire ça.

Puis je décalotte mon œuf, plonge la première mouillette qui se gorge du jaune tiède et moelleux. C'est un plaisir pour les yeux, le seul que peux avoir car mucite et aphte m'empêchent conjointement de jouir du petit bonheur du palais.


Je m'efforce de manger quand même : je dois me nourrir, tout doucement, en buvant beaucoup pour fluidifier et faire passer...

 

Seulement voilà, cela ne convient pas au Phacochère qui va me le faire savoir.

Soudain, un voile noir couvre mes yeux, une sueur glacée monte depuis le plexus et je me sens partir...

Je me lève rapidement avant de piquer du nez dans ma tasse, en m’appuyant au dossier de la chaise et à la table et vais m'affaler sur la banquette où j'essaie de me ressaisir.

C'est là qu'une violente colique vient me tordre le ventre.

Tant bien que mal je dois filer aux toilettes, en me tenant à la rampe, saisissant au passage mon amie la bassine (à tout faire !)...  Trois minutes après je suis en train de vomir !

 

Voilà comment il agit le Phacochère ! Il prend son temps, observe et puis fonce et dévaste, avant de disparaître pour quelques heures, ou parfois moins.

J'ai laissé le thé, l’œuf, les mouillettes et me suis allongée : exténuée que j'étais et exsangue !

j'ai dormi comme une brute jusque vers midi. C'est dans cet état lamentable que Lou m'a trouvée en rentrant de faucher.

J'aurais pu mettre en titre "la vie en sinusoïde" à cause des hauts et des bas, mais ils sont tellement inattendus, abrupts, tellement acérés, durs, métalliques, blessants, que mon temps et ma vie sur les terres du Phacochère ne peuvent pas être comparées à la douceur, à la rondeur et à la mollesse nauséeuse d'une vague.

Ce sont bien les dents d'une scie qui me découpe en tranche et me déchiquette !

 

Rester optimiste, patiente... Dans ces conditions, ça devient difficile. 

On ne peut rien prévoir. On n'a plus le contrôle de soi-même. 

 

En ce moment, le matin je m'éveille vers 6 heures. Parfois Lou dort encore et je le regarde dormir. Il a l'air apaisé et presque enfantin.

 

J'ai découvert ce matin (mardi 19 mai) qu'il passait du "je dors je suis couché" au "c'est le matin je suis debout" en l'espace d'à peine quelques secondes ! Je n'avais jamais vu ça !

Moi il me faut au minimum un bon quart d’heure, quand je suis pressée....

Il me dit qu'il a toujours fait ça ! J'en reste éberluée ! Je le savais plus ou moins, mais n'avais jamais assisté à ce spectacle !

Je suis restée dans mon lit tiède et douillet jusque vers 9 heures... Ensuite j'ai pris une douche.


Avec le Fennec Rouge la douche était un calvaire : les gouttes sur ma tête nue étaient comme des aiguilles de glace qui me tombaient dessus.


Et le parfum pourtant subtil et délicat du gel douche me donnait la nausée. J'ai tenté le savon de Marseille (le vrai) : mais là encore l'odeur me fut insupportable. 

 

 

Avec le Phacochère c'est plus agréable, la rondeur nue de mon crâne aime le contact de l'eau tiède qui coule doucement. La mousse et la fragrance légère du gel me conviennent : c'est chaque matin une petite renaissance.


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