Et vint la Pluie

"50 nuances de... Gray"

Je suis fatiguée.

Tellement fatiguée ! Je n'en finis pas de le dire et le répéter. Litanie...

 

La semaine a été longue. Et trop courte.

De changement d'horaires en rendez-vous reportés, de manipulations en tous genres, et tout bien tout honneur, chez Monsieur Arigatō, en séances d'immobilité absolue sous l’œil du collimateur, de courts trajets en Kangoo avec moi-même, en  longs allers-retours en Laguna avec Monsieur Darling, les cinq jours ont traîné en longueur et sont pourtant passés vite. 

 

De mes séjours sous le collimateur, j'ai appris à reconnaître les lumières et les bruits de la monstrueuse Elekta et prédire ce qu'ils annoncent : centrage du rayon sur la cible, rotations et déplacements de la tête, glissement des multi-lames, et enfin bombardement ionisant d'électrons et de photons*, le tout pour une dose quotidienne de 2 Gy sur chaque cible.

 

* les électrons employés ont une énergie de 6, 9 ou 12 MeV.  Les photons utilisés sont de basse énergie X6 MV

On recommence ces opérations quatre fois par séance.

Deux fois sur le Chrysanthème et son Petit Dragon (autrement dit la paroi thoracique) par le biais des deux faisceaux tangentiels opposés, interne et externe, une fois sur les champs ganglionnaires sous et au-dessus de la clavicule, et une fois sur les ganglions de la chaîne mammaire interne.

Pendant le rayonnement je respire à peine et je compte. Entre 50 et 60 secondes. Six toutes petites respirations extrêmement lentes. J'ai l'impression qu'ainsi mes poumons se rétractent, s’éloignent des côtes et sont ainsi moins irradiés...

Je me donne l'impression de faire quelque chose.

Dire que je n'ai pas peur serait faux. 

 

Je tente de me rassurer et de rester dans une "zen attitude" pendant le bombardement : penser en bleu, humer une brise océane, des parfums de lotus... Ce n'est pas parce que ces rayons sont totalement invisibles et indolores que les dégâts n'existent pas ! Et dire que c'est en prévention d'un éventuel retour du Crabe que l'on m'irradie !...

 

 Pour une dose de 2 à 4 Gy (le Gray : Gy est la mesure de la dose absorbée par l'organisme) on observe en pratique clinique un syndrome hématopoïétique (processus physiologique de production des cellules sanguines) : les populations de lymphocytes et globules blancs diminuent considérablement. On parle de lymphopénie, leucopénie et l'irradiation peut mener à une anémie (carence en globules rouges). Sources Wikipedia

 

Très rassurant tout ça d'autant que les Docteurs J. Neko, G. Lagerbe et L. Ektra n'en soufflent mot !...

 

 

Les "cibles" de la machine Elektra : 


La nuit, je tente de dormir malgré l'inconfort croissant du corps.

 

Il semble s'électriser de plus en plus : est-ce la suite de la chimiothérapie (paresthésies) que la radiothérapie réveille ? 

Les fourmillements continuent et s'amplifient même, alors que mon menton semble se paralyser ankylosé par un cataplasme glacé.

 

Et pendant ce temps mes ongles se décollent et tombent encore et encore, après chaque repousse...

 

Les conseils et prescriptions des oncologues, radiothérapeutes, infirmières et assistants, concernant les possibles brûlures induites par les rayons, se multiplient et se contredisent. Que faire ?

Qui croire ? Qui écouter ?

 

J'ai décidé d'écouter mon bon sens et la logique (et une amie qui a subi la même chose il y a dix ans et s'en est tirée sans aucune brûlure grâce à un cancérologue parisien). 

Plus un milligramme de gras étendu sur ma peau !

Exit les crèmes ou onguent quel qu'il soit, je ne garde que le gel d'aloe vera et j'y ajoute de l'eau thermale.

Et c'est sur l'eau thermale d'Avène que j'ai jeté mon dévolu.

Et j'envisage même une cure post cancer en ses thermes : ce sera mes petites vacances bien méritées après cette tourmente.

 

Le 12 août c'était l'anniversaire de nos trente années de mariage, Lou et moi. Nous nous sommes mariés, dans la plus parfaite intimité (juste avec nos deux témoins, et notre fille) après 9 années de vie commune. Fleur avait 6 ans et nous étions en partance pour l'île de La Réunion où j'avais obtenu un poste. Ce fut ce départ qui nous a décidés...

12 Août 1985 : ce ne fut pas un voyage de noce... mais une noce pour un voyage !
12 Août 1985 : ce ne fut pas un voyage de noce... mais une noce pour un voyage !

Alors en ce matin du 12 août 2015, j'ai émis l'envie d'un dîner en amoureux au restaurant... pour célébrer cette date.

Hélas, le soir, au retour de la séance de rayons, j'étais si fatiguée que l'idée même de sortir me parût insurmontable. Insupportable même.

 

Puis la météo nous a promis des orages nocturnes.

Sans vraiment trop y croire, car elle nous avait déjà fait plusieurs fois le coup pendant tout cet été caniculaire, nous avons néanmoins débranché tous nos appareils et notre "box" internet !... Précaution élémentaire (mon cher Watson !), car nous sommes en bout de ligne.

Le soir mon corps était sur le grill ! Picots, fourmis, électricité : tout grésillait. Lady Frankestein !

Une vraie pile électrique !

Impossible de m'endormir. Envie de hurler.

Le dragon sur la poitrine me cisaillait les chairs crispées et endolories. Et mon bras gauche, là où les terminaisons nerveuses ont été touchées, brûlaient tout en étant glacé.

 

Je suis donc restée dans le noir, me tournant dans un sens puis dans l'autre, ne supportant ni le drap, ni le pyjama, puis grelottant la minute d'après !

 

Et puis, vers trois heures du matin, un éclair a enfin déchiré la nuit de la chambre.

Silence. Je me suis mise à compter. L'orage était loin et risquait de passer encore une fois au large.

Le grondement vint, lourd, tout en nuance de basses et de tôle agitée. Rien de méchant.

Plusieurs fois le tonnerre a ainsi roulé son chaudron au-dessus des collines lointaines.

 

Et puis... Soudain, le ciel s'est effondré.

Un fracas de photons et d'électrons entremêlés a explosé et ébranlé la roche sous la maison, faisant trembler murs et toiture !

Alors, le coup de foudre a ouvert la bonde d'un déluge.

Crépitement sur les tuiles, les feuilles des arbres, les cailloux du chemin...

Sur ma couche, je suis restée, sans bouger, haletante comme un chat effrayé, pendant de longues minutes, étourdie par la violence et le déferlement de cette pluie.

Enfin, j'ai pu humer, narines dilatées de plaisir, l'odeur fauve de la terre qui s'abreuvait et celle, plus verte et tendre des herbes que courbaient et brisaient les salves de la bourrasque.

 

Une demi-heure plus tard, le calme est revenu se refermer autour de colline et de la maison.

J'ai pu enfin m'endormir.

 

Mais au matin la pluie s'est remise à tomber.

Des flots d'une pluie roide, drue, compacte, des cascades blanches à force d'être épaisses, se sont déversées sur la terre que le déluge de la nuit avait déjà ouverte !

Le chemin, la cour qui sert de parking, sont devenus torrents.

La nature, déjà imbibée s'est mise à dégorger des litres et des litres d'eau. Elle sortait de partout, giclait en écume, sous pression. Le bruit devint assourdissant, nous rappelant ces dépressions tropicales qui noyaient et dévastaient sur leur passage.... là-bas, sur l'île de la Réunion.

Et puis, les nuées sont reparties comme elles étaient venues.

 

La colline a repris ses couleurs.

Il ne nous restait plus qu'à écoper les mares qui risquaient de déborder dans la maison...


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Connaissance et Compréhension du traitement de radiothérapie par des patientes atteintes d’un cancer du sein
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