Largage

Errance

Je me suis perdue sur les chemins de cette Terre de Karkinos.

Je n'en connais pas les reliefs, et n'en ai aucune cartes.

J'avance en aveugle.

Sentiers de chardons et de pierres acérées comme du verre. 

J'ai tourné en rond pendant une semaine, dans des jours gris sans début ni fin. Des sommeils lourds et brûlants.

 

Et la bruine est tombée inlassablement noyant d'une eau terne les couleurs et les reliefs.

La grippe nous a enturbannés de fièvre et de brûlures. Plus rien n'avait de goût.

Impossible d'avaler. Impossible de parler et de rire.

 

Bouches et gorges en feu. Des aphtes sont apparus. 

 

Les docteurs du corps nous parlent de patience. Que disent les docteurs de l'âme ?

  

J'ai une noiraude au fond de la gorge, un oursin accroché qui me lacère de ses piques.

 

Cléo
Cléo

Je tente des diversions à coup de perruques diverses. 

Tantôt Cléo essaie de faire la nique à ma pauvre tête de lièvre de mars... tantôt c'est Betty qui minaude.

Rien à faire. Le sourire reste crispé.

 

Dimanche : je dors presque tout la journée et ne m'habille même pas.

Sur les conseils de mon grand petit frère, Lou est allé le matin à la pharmacie de garde et a acheté une petite fiole, genre vernis à ongle, avec une petite spatule dedans, sensé apaiser et protéger l'aphte en l'enduisant d'une sorte de film. (Urgo aphte)

Je veux croire au miracle, au coup de baguette magique, pendant un moment. 

Mais rapidement la brûlure insupportable revient.

 

Je ne sais que faire. Continuer. Y croire. Ça va passer.

Mais quand ?

 

Je vois arriver le terme de mon répit avec angoisse. Plus que 3 jours avant que ne déferlent les vagues chimiques dans ce corps que je sens déjà si faible.

 

On me donne des tuyaux, des conseils, des noms de médicament ou huiles essentielles... Je note. Rien ne semble vraiment efficace.

Et ma gorge brûle toujours.

 

Et la pluie continue de tomber.

 

Et je me sens minable.

 

Au matin du septième jour, je crois percevoir une lueur au bout de ces chemins de grisaille et de feu.

La fièvre est tombée.

La gorge est apaisée. Suffisamment pour pouvoir envisager d'avaler autre chose que de la bouillie.

L'aphte joue encore au volcan sulfureux et me transperce la langue de ses aiguilles.

 

Le docteur Garrigue est navré. Il faut continuer les pastilles, les bains de bouche, les gels... Ça va passer.

Les limites de la médecine. De toutes les médecines.

Plus que deux jours.

 

"Ça fait encore beaucoup d'heures vous savez, me dit le docteur Garrigue, en guise de consolation..."

 

Un vol de grues cendrées a traversé le crépuscule, en direction du nord


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