"L'After"

Courte Embellie

Pendant une semaine il a fait beau. Doux, bon et beau. Un Noël de ciel bleu et de brises printanières.

Un grand calme est venu s'installer sur la rondeur de la colline, entre les arbres aux feuilles rousses et branches de bois sombre, sur les herbes et fleurs fanées des prés, sur le sentier et les sentes parcourues par la sauvagine.

 

Fleur, cueillie par Lou en gare d'Agen, à sa descente du train, entre tohu-bohu de sacs, valises, enfants en pleurs, bébés et poussettes, est arrivée chez nous avant le goûter, et nous sommes immédiatement sortis pour profiter des quelques derniers instants de lumière.

 

Dans les jours qui ont suivi, elle a coulé des heures douces à musarder sur la colline, se remplir l'esprit de "vert", le regard de lignes d'horizons et de couleurs de fin d'automne, les oreilles de chants d'oiseaux encore sur le qui-vive, et à capturer sur son téléphone des instants et des bribes de cette nature intacte à emporter et déguster, comme un bon vin, lorsqu’elle sera, plus tard, de retour dans l'agitation et le gris de la capitale...

 

Lou a fait de grands feux, comme pour une St Jean d'été : il nettoie les sous-bois et brûle broussailles et branches mortes qu'il dispose en tas comme des huttes.

Au loin, sur d'autres collines, on entendait parfois le bruit lancinant de quelques tronçonneuses.

 

Moi, je n'ai rien fait.

J'ai regardé l'un, rit avec l'autre, fait quelques pas bras dessus bras dessous... Que du bon temps ! Comme des gorgées de liqueur, des lampées de petit-lait, comme un sirop apaisant contre les maux dévastateurs de cette trop pénible année. 

Le 24 Décembre s'en est venu ainsi, tout tranquillement.

 

D'abord les cadeaux ont pris place petit à petit, au pied de notre pin sylvestre de Noël.

Chacun y a posé les siens.

Cadeaux glanés tout au long de l'année au fil des lectures, des ouï dire, au gré des pages internet feuilletées comme des catalogues... "Tiens, ça devrait plaire à Fleur" ou "Lou devrait aimer..."

Et ainsi au soir de Noël la hotte est pleine et la moisson est belle !

 

 

Dans le soir qui tombait, les lumières et les couleurs se sont "enguirlandées" en rubans, boules et corolles.

 

Puis est venu le temps des bulles, des bougies, des friandises et la distribution des cadeaux.... tout au long d'un repas "non cuisiné" fait d'un peu de foie gras, pain d'épices aux confits de figues et d'oignons, de blinis à la crème et aneth sur lesquelles chacun a disposé un filet de truite fumé, puis, plus tard, un homard et des petites mayonnaises maison... Edelzwicker d'Alsace pour accompagner le tout, vin simple, clair et fruité. 

Note sucrée de mousse de fruits en bûchettes pour terminer.

Soirée calme et chaleureuse. Comme nous les aimons un soir de Noël.

Sourires et joie au rendez-vous.

Et comble de bonheur, névralgies et autres Maldedos se sont fait oublier... un temps.

 

Mais quand Fleur est repartie, j'ai senti, impuissante, une douleur insidieuse et sourde se glisser juste là, entre les deux omoplates.

Et le mercredi 30 décembre, après la douche elle a explosé en une grenade rouge et brûlante, m'empêchant de respirer autrement qu'en salves de hoquets.

Dr Garrigue a encore été appelé à la rescousse. "Premiers" soins d'urgence dictés au téléphone.

Il rappellera le lendemain 31 décembre, dernier jour de cette terrible année... Que va-t-il dire ?

Il a répété "névralgies"...   "traitements"  et "disques"...

 

Demain il fera gris et froid, et peut-être même nous aurons de la pluie. 

La prescription reste la même : hydrocortisone et anti-inflammatoires, puisque "ça" marche.

 

Putain d'année !

Putains de traitements qui bousillent le corps en prétendant le soigner !

Putain de mal au dos qui m'épingle comme un papillon que l'on tue ailes écartées pour mieux l'exposer ! 

 

Ce soir je relève la tête et le défie.

Le mal de dos ne me cassera pas parce que tout ça c'est terminé ! Ainsi j'en ai décidé.

 

Je n’ai plus de cancer. On l'a exterminé. Je l'ai éradiqué, effacé de mon corps. Il ne me reste que des cicatrices et des douleurs qui passeront. Qui doivent passer.

Il n'y aura pas de récidives.

Pas d'autre cancer.

Je retrouve ma liberté, même si je peux à peine respirer.

 

Ça suffit !

J'ai payé mon tribut à ce terrible et total inconnu qu'est, et reste encore, le Cancer, que chercheurs, docteurs et spécialistes en tous genres ne comprennent pas, qu'ils traitent par tâtonnements successifs avec un joli taux d'échec, car on ne sait toujours pas qui il est, d'où il vient, comment il "vit", pourquoi il naît dans nos corps à partir de nos propres cellules, et qui tue comme des mouches, en aveugle, chaque jours autour de nous - il n'y a qu'à écouter la radio ou regarder la télévision pour s'en convaincre - des centaines, des milliers de gens qui n'ont rien fait, rien demandé. Rien compris. De tous âges, de tous sexes, de tous pays.

 

Ce soir du 31 décembre 2015, je suis apaisée sur mon sort.

Mais je suis aussi terriblement en colère !

 

Car non, il n'y a pas de vrais progrès dans la recherche contre cette maladie, non, on n'a pas de "bons" protocoles personnalisés, non on ne sait pas comment prendre en charge les malades : tout ce qui est proposé est barbare. 

Les chercheurs cherchent : mais quoi ?

L'argent de la recherche sert essentiellement à payer leur salaire. Pour le reste on fait appel à la charité !

On tourne en rond.

On nous fait croire à des avancés spectaculaires pour les années à venir, pour s'apercevoir le lendemain que l'on s'est trompé, que "ça" ne marche pas vraiment, sauf peut-être sur les rats...

On a multiplié les noms des cancers et les protocoles quand il y en a... parce qu'on est incapable de donner une définition simple au cancer. Alors on rend la Chose complexe pour ne pas avouer qu'on est ignorant de la Chose en elle-même.

 

Mais LE CANCER lui, il s'en fout. Car LUI, il reste un mystère.

Et il étend en toute impunité ses tentacules, multiplie ses métastase, envahit nos organisme, nous prive de notre liberté de choix, de notre liberté de vie.

 

Putain de CANCER !


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