Largage

Tonsure 

Avoir mal aux cheveux. Ce n'est plus une image. Mon crâne bout et j'ai mal comme lorsqu'on a porté un chignon serré toute la journée.

 

Un peu avant le thé, la main passée dans mes cheveux, en ramène une poignée. Fins, argentés, soyeux.

Je me prends à les aimer encore plus. Mais ils sont morts. Il est l'heure de s'en séparer sans attendre de voir toute ma chevelure me laisser tomber.

Je descends de mon bureau au salon : c'est le temps du thé...

Lou voit immédiatement que quelque chose me chagrine : sans un mot je prends une pincée sur ma tête et lui montre.

Puis éclate en sanglot sur son épaule.

Laissant sur sa chemise mes fils d'argent...

 

Nous boirons notre thé avec nos tartines de beurre et miel, en silence.

Il me faut, il nous faut, abandonner ici et maintenant une partie de nous.

Ces cheveux que je portais longs autrefois et avec lesquels il m'a aimée. Beaucoup. 

J'entre au monastère... Je dois me séparer de cette contingence terrestre. Revenir aux temps où je suis née : nue.

 

Après le thé je ne suis déjà plus aussi triste.

Je m'assieds, au milieu du salon. Lou prend la tondeuse, effectue les réglages pour ne pas raser à "blanc" selon les conseils de l'experte Norgil.

Je deviens d'abord punk, la tête à moitié rasée. Et ça me donne du courage et de la fierté.

J'ai gagné cette demi-étape.

 

Avant de devenir nonne... Pour de bon

Humilité.

Je rechausse mes lunettes. 

Et devient petite sœur de Tenzin Gyatso, réincarnation du 13e dalaï-lama.

Une sorte de sérénité m'envahit.

Je vais, je dois, réapprendre le sourire. 

 

Pour renaître et effacer les derniers souvenirs de cette poussière de cheveux d'ange, je prends une longue douche chaude.

Je suis lavée.

Réconciliée avec moi-même.

Ma tète, que je découvre bien ovale, prend plaisir à sentir l'eau couler, l'air frais et surtout mes mains qui la parcoure, et la lise comme une mappemonde. Terra Incognita.


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