Ultime Péage

Expérience de  Survie

Il y en a qui "font"  Koh-Lanta (TF1) pour "tester leur limite" en milieu hostile (mais paradisiaque) et conditions difficiles.


Mais cela reste un "jeu" avec de l’argent à la clé, et des concurrents qui s'écharpent sous l’œil amusé et complaisant de la "prod" et des spectateurs qui en redemandent. Un jeu de dupes de toute façon.

Et qui n'est pas sans rappeler les "jeux" des années noires de la Grande Dépression, tels ces marathons de danse mis en scène par Sydney Pollack dans "On Achève bien les Chevaux".

Tant pis pour eux, dira-t-on : ils sont volontaires.

 

D'autres encore plus téméraires, ou inconscients, sans doute inspirés par l'émission "Seul face à la Nature" ("Man vs Wild" également intitulé "Ultimate Survival"), à moins qu'ils n'aient été seulement motivés par le désir de "faire le buzz", s'étaient inscrits à "The Island : seuls au monde" (M6), un "dépassement de soi" dont la seule règle était de survivre coûte que coûte.

 

Dernièrement, D8 nous a diffusé  "Alone, les Survivants", encore une expérience "ultime" de survie et de dépassement de soi...

 

Bref, les jeux et émissions "survivalistes", les "expériences extrêmes" ont le vent en poupe.

 

Les jeux du cirque ne sont pas si loin...

Délit de "sale gueule"... après des jours de "survie...
Délit de "sale gueule"... après des jours de "survie...

  

Et bien, avoir un cancer et y survivre, c'est aussi un expérience extrême. Parfois même ultime. 

 

"Sur les Terres de Karkinos" c'est une lutte de tous les jours, tous les instants, pour la survie. Une survie difficile en milieu hostile.

 

Mais cela n'est pas médiatique : on n'en fait pas (encore) une émission de télévision. Heureusement.

Rien de visuellement époustouflant !

 

Pas de public, pas de "fans", par de "like", pas de débat "pour ou contre", pas d’insultes sur Twitter ou Facebook si le contrat n'est pas rempli.

 

On y est seulement face à sa propre solitude, même si nos proches sont là, même entouré de docteurs et spécialistes en tous genres. Seul à expérimenter les conditions difficiles dans lesquelles l'on est plongé, bien malgré nous, pour une année au moins. Souvent plus.

Pas de jeu de "confort", mais l'élimination est possible, l'abandon aussi.

 

Ce n'est pas un jeu finalement : à la clé, la survie et la vie. C'est tout.

 

Je n'ai rien demandé, rien décidé ni voulu.

Un jour j'ai été seulement débarquée sur un territoire mortel, inconnu et effrayant, naufragée de la vie, avec pour seule mission : m'en sortir vivante.

 

Un kit de survie comme seul équipement face à des poisons et des agressions de tous ordres : quelques médicaments de base auxquels j'ai eu le droit d'ajouter quelques autres médications légères, au fur et à mesure de mes découvertes et de mon expérience (cf. "Kit de survie officiel").

J'avais également le droit de téléphoner, mais pas le week-end, à l'assistance médicale de l'hôpital, ou à mon médecin ou, si personne n'était au bout du fil... aux urgences. Le 15 ou le 18 comme seuls interlocuteurs au cas où...

 

Ce fut à moi de tracer la carte du territoire au fur et à mesure de mes découvertes, de mes "expéditions", des sentiers empruntés, des passages difficiles, des endroits à éviter. Et je n'avais pas vraiment de boussole : j'ai dû me fier seulement au soleil et surtout... à ma bonne étoile.

 

Imaginer des solutions pour ne pas avoir à m’appesantir sur ce qui m'arrivait, pour évacuer mes peurs, pour voir loin, au-delà des soins et traitements, pour ne pas écouter les petites voix noires qui me parlaient de mort.

Rire de moi pour ne pas pleurer sur moi. 

 

 

Trouver d'autres repères, faire et refaire mon "campement"... Le lit conjugal n'est plus le lieu idéal du repos lorsqu'on est sous l'emprise des drogues vomitives et poisons brûlants divers, lorsqu'on vient d’être amputée d'un sein et que l'on ne supporte pas d'être touchée de peur d 'avoir mal, ou lorsque les douleurs deviennent si invalidantes que l'on ne peut plus bouger sans hurler... Ou se pisser dessus comme une vieille bête !

 

Je me fais penser à mes cousins orangs-outans qui refont leurs nids sur un arbre différent chaque soir.

 

Il m'a fallu aussi renoncer à beaucoup de choses.

Oubliés la tranquillité et le cocon douillet de la maison.

Oubliés les cheveux, les cils et sourcils.

Oublié le corps sans douleur qui vit et se repose sans se poser de questions.

Oublié ce sein rond et lourd avec lequel je vivais depuis si longtemps.

 

Bonjour les hôpitaux, les opérations, les anesthésies, les coutures, les contrôles, les examens, les piqûres, les perfusions, les douleurs multiples, la fatigue lancinante, les nausées, les vomissements, les vertiges....

 

Bonjour cette nouvelle image de moi que je ne reconnais pas encore.

 

J'ai souvent continué à sourire, pour me donner du courage et en donner aussi à Lou et Fleur, pour leur dire, "tout va bien, n'ayez pas peur, je résiste." 

 

J'ai souvent abdiqué et pleuré aussi.

Par lassitude, par peur, lorsque l'espoir reculait.

 

Mais j'ai découvert aussi la solidité et l'étendue de l'amour qui me lie à Lou et Fleur. 

Et je comprends avec lucidité, la force de la phrase "Seul celui-là nous aime, auprès duquel on peut se montrer faible sans provoquer la force." (Theodor W. Adorno) 

Tous les cancéreux et cancéreuses sont passé par ces épreuves.

Certains y ont laissé leur peau.

Les autres ont survécu. Pour combien de temps ?


On ne sort pas indemne de cette épreuve. 

On n'est plus totalement en phase avec les autres, on se sent en décalage. 

A la fois plus fragile et plus fort. 

Difficile de reprendre pied dans la vie réelle.

Comme les rescapés d'une catastrophe, comme ceux qui échappent aux guerres et aux attentats, les survivants d'un cancer ont un sentiment étrange : le "syndrome de Lazare" ?

 

"Le syndrome de Lazare - Traumatisme psychique et destinée" Patrick Clervoy,


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