La Marque Rose

OCTOBRE ROSE

Nous y voici.

C'est le temps de la promotion tous azimuts du Dépistage Précoce Organisé (DPO), des manifestations de sensibilisation à la maladie.

Est arrivé dans ma boîte aux lettres, il y a quelques jours de cela, ce prospectus. Il m'a été adressé, à mon nom par ma Mutuelle de santé.

"Partageons nos idées, nos questions sur le cancer."

Ce "Café Santé" (les "cafés" sont tendance) est organisé dans le cadre "Octobre Rose",

intense moment de communication pour inviter un maximum de femmes à se faire dépister. 

 

Rose, la couleur du petit ruban synonyme d'un peu tout ce qui a un rapport avec le cancer du sein.

Rose la couleur de la vie quand tout va bien, délicieusement bien.

Rose la jeunesse, rose la beauté éphémère...

"Mignonne, allons voir si la rose   Qui ce matin avait déclose   Sa robe de pourpre au Soleil,   A point perdu ceste vêprée   Les plis de sa robe pourprée,    Et son teint au vôtre pareil." ... 

Ainsi écrivait le jeune Pierre de Ronsard en 1524 à la belle et jeune Cassandre...

 

Rose parce que, sans vouloir entrer dans la polémique de la "théorie du genre",  le rose est, allez savoir pourquoi, et seulement depuis les années 30, la couleur des petites filles (et accessoirement... des femmes).

Rose la couleur des petites princesses

Rose bonbon.

Rose Barbie.

Pourtant, le cancer n’est pas rose.

Le cancer est tout sauf rose.

 

Le cancer tue chaque année, rien qu'en France près de 12.000 femmes.

Mais pas seulement, les hommes aussi sont susceptibles de développer un cancer du sein.

Sur les 50 000 cas de cancers du sein détectés chaque année en France, environ 500 cas sont décelés chez l'homme (soit grosso modo 1%).

Il est dit et répété, et cela paraît logique, que, plus le cancer est pris en charge précocement, meilleur serait le pronostic et plus "légers"les traitements.

D'où l'idée de systématiser les examens de dépistage par mammographie parfois doublée d'une échographie, afin de déceler un possible cancer lorsqu'il est encore tout petit. Car ce dépistage ne permet pas de "diagnostiquer un cancer à un stade précoce" comme l'on a tendance à le croire, mais il permet "l’identification présumée d’un cancer ou d'une lésion pré-cancéreuse"....

Nuance !

Il m'apparaît important de le signaler : les mammographies sont encore (trop) imprécises.

On est incapable, en effet, de qualifier la nature exacte de la tumeur repérée.

Or, pour que ce dépistage soit réellement un indicateur précis et fiable, il faudrait pouvoir déceler le potentiel malin (capacité à se transformer en cancer invasif) d’un cancer.

Ce qui n'est pas le cas.

Ainsi, par exemple, nombre de carcinomes canalaires in situ (CCIS) dont un certain nombre n'auraient pas évolué ou aurait pu même disparaître, sont traités comme les autres, puisque dans le doute, dès que le diagnostic de "cancer" est posé, un traitement -chirurgie mutilante, radiothérapie et parfois chimiothérapie- est enclenché, avant de savoir ce qui serait le mieux pour les femmes : intervention immédiate ou surveillance.

 

On parle alors de sur-traitement, avec les séquelles, et les risques que cela impliquent pour la supposée cancéreuse. 

Une étude canadienne réalisée en octobre 2015 sur 90 000 femmes âgées de 40 à 59 ans, divisées en deux groupes, étude conduite pendant 25 ans, conclut que, 22% des cancers diagnostiqués par mammographie ont été surdiagnostiqués.

 

En 2015, l'estimation la plus fiable est qu'au moins 25 % des cancers du sein diagnostiqués à l'occasion du dépistage mammographique sont des diagnostics par excès. L'ampleur de cet effet indésirable est à expliquer aux femmes avec les autres éléments de la balance bénéfices-risques (sources : revue "Prescrire")

 

N'oublions pas non plus que si les faux positifs existent, il convient également de mentionner les faux négatifs : dans 90% des cas, certains cancers, notamment parmi ceux de petite taille, peuvent ne pas être repérés par la mammographie.

 (sources : afp.com/Mychele Daniau)

carcinome canalaire infiltrant (ou invasif) à droite
carcinome canalaire infiltrant (ou invasif) à droite

Dans d'autres cas, si le sein présente des masses fibreuses, des mastopathies (un adénofibrome par exemple), ils peuvent passer inaperçus.

Les radiologues peuvent, en effet, mal interpréter certaines images. Le site suisse, info-radiologie.ch reconnait :

"Il n'est pas toujours facile de déceler la présence d'une tumeur du sein sur une mammographie.

 

Le parenchyme (ensemble de cellules constituant le tissu fonctionnel d'un organe) mammaire peut être dense et il peut masquer la présence d'une tumeur."

 

Ce fut apparemment mon cas. 

Une belle tumeur cancéreuse invasive d'environ 5 cm est passée au travers de toutes les mammographies et palpations régulières pratiquées par mon médecin référent d'alors. Le seul diagnostic posé fut "reliquat de masses fibreuses" et des "traces de calcification" !... Et personne n'a songé à faire pratiquer une biopsie de cette masse. Au contraire, "on" m'a affirmé que c'était bénin.

 

Autre question importante : la pratique de mammographies annuelles permet-elle de réduire la mortalité par cancer du sein ? Rien n'est moins sûr.

 

Cette même étude canadienne montre que 500 décès par cancer du sein sont survenus dans le groupe des femmes suivies par mammographies, contre 505 décès chez les femmes du groupe témoin.

Crédit photo : David Jay pour The Scar Project
Crédit photo : David Jay pour The Scar Project

Dépister le cancer du sein peut sauver des vies mais en gâcher d'autres.

Rien n'est ni tout blanc ni tout noir.

Encore moins rose.

 

"Le bénéfice du dépistage est très largement surestimé et ses inconvénients minimisés", soutient la radiologue spécialiste du sein en Moselle, le docteur Cécile Bour.

 

Quant à l'épidémiologiste belge Philippe Autier, ce dernier souligne que "le dépistage aurait dû mener à un effondrement de la mortalité et à une baisse de fréquence des cancers avancés, ce qui n'a pas été le cas".  

Cet ancien expert de l'OMS pointe aussi "les dégâts gigantesques", c'est-à-dire un "risque élevé de surdiagnostic", de l'ordre de 30%, qui conduit "à opérer ou à faire des rayons ou des chimios" à des femmes chez qui la maladie serait restée silencieuse.

 

Ces surdiagnostics, se chiffrerait selon une autre source, l'INCa-NCI (Institut National du Cancer), entre 10 et 20 %.

Ce n'est pas quantité négligeable !

Ce même institut, l'INCa, après avoir parler de l'importance de ces examens prévient également que "L’impact du dépistage sur la diminution de la mortalité par cancer du sein fait l’objet de débats, comme ses effets négatifs notamment en matière de surdiagnostic et de surtraitement."

Et d'ajouter "Comme tout acte médical, le dépistage présente des avantages et des inconvénients dont il est important de s'informer avant de prendre la décision ou non de participer...."

auto palpation
auto palpation

Mais sans s'embarrasser de ces "détails", le Dr Jérôme Viguier, directeur du Pôle santé publique et soins de ce même Institut estime pour sa part que la controverse est "scientifiquement réglée" (!). Il ajoute que selon les dernières études, les programmes de dépistage organisé ont permis de réduire la mortalité par cancer du sein de 15 à 21% et d'éviter 150 à 300 décès pour 100.000 femmes participant de manière régulière au dépistage pendant 10 ans.

 

Curieusement, les informations officielles diffusées au sujet du dépistage organisé du cancer du sein par le site de l’INCa, qui est une agence de l’État, ne sont pas exactement les mêmes selon qu’elles s’adressent aux femmes ou bien aux professionnels de santé...

 

Il est donc important de s'informer ?

D'accord.

Mais... auprès de qui ?

 

De plus pour s'informer et être suffisamment éclairée afin de choisir en toute connaissance de cause, cela suppose une formation adéquate des professionnels de santé concernés. Est-ce le cas ? 

 

Pour l’heure,  l'information sur les effets néfastes de la mammographie est très insuffisante. 

 

Pendant que la Tour Eiffel s'illumine de rose pendant le mois d'Octobre, la ministre de la santé encourage dans un communiqué de presse (3 octobre 20156) l'intensification du dépistage tout en annonçant une "rénovation profonde"...  suite aux recommandations qui lui ont été remises par l’Institut national du cancer (INCa), sur la base du rapport du comité d’orientation de la concertation citoyenne et scientifique lancée il y a un an sur le sujet...

 

Le débat sur le dépistage systématique n'est pas prêt d'être clos à tel point que, ce 14 octobre 2016, l'association UFC-Que Choisir, le groupe Princeps, le Collectif Cancer Rose et Prescrire invitent dans une lettre commune à la Ministre de la Santé, les pouvoirs publics à garantir le droit des femmes à un choix libre et éclairé de s'inscrire ou non dans les démarches de dépistage organisé.  (Voir la lettre ci-dessous sur cette page à la partie : Documentation)

 

Ce qu'on peut retenir de tout cela, c'est une campagne outrancière, un rapport bénéfices/risques contestable et surtout l’absence de choix éclairé des femmes françaises.

Les recommandations officielles françaises actuelles préconisent un "examen clinique mammaire" (palpation effectuée par un professionnel de santé) chaque année à partir de 25 ans.

Puis une mammographie tous les deux ans chez la femme entre 50 et 74 ans. Une seconde lecture systématique de tous les clichés jugés normaux doit être effectuée par un radiologue ­indépendant. 

 

Prendre la décision de ne pas participer au dépistage national à grande échelle... ?

  

C'est prendre un risque. Risque de passer à côté d'un cancer lorsque qu'il est "trop tard". Nous le savons.

 

C'est prendre aussi le risque de s'entendre dire un jour (et parfois par les médecins eux-mêmes) : "Tu as le cancer ? Ah bon ? Tu avais fait tes mammographies régulièrement tous les deux ans ? Non ?... Ah ben alors... c'est un peu normal..."

Double peine.   

On ne sait pas prévoir le cancer du sein. Pas de prévention donc.

Tout au plus peut-on le dépister, et le traiter.

Mais attention, dépister ne veut pas dire diagnostiquer !  Au final, seuls le prélèvement et l’analyse des cellules et tissus concernés pourront apporter le diagnostic.

 

Efficace alors ce dépistage ?

Voici une synthèse "visuelle" qui semble dire l'inverse !

 

 

Chiffres issus du rapport du Comité d’Orientation de la concertation de 2016 - The benefits and harms of breast cancer screening : an independent review. Br J Cancer, 108(11), 2205-224
Chiffres issus du rapport du Comité d’Orientation de la concertation de 2016 - The benefits and harms of breast cancer screening : an independent review. Br J Cancer, 108(11), 2205-224

Lire (ci-dessous dans cette page : partie Documentationsur le sujet la très intéressante brochure en français publiée par le Nordic Cochrane Centre 2012 

 

Vidéo (un peu étrange !) mis en ligne pour le site Cancer Rose

Ce dépistage national organisé du cancer du sein représente un coût pour la collectivité, estimé par l’UFC-Que Choisir, à plus de 300 millions d’euros par an. 

Les frais de gestion et de communication représentent 15% du coût total du programme, soit 45 millions d'euros qui sont consacrés à de l'administratif... et à de la pub.

Le marché de la santé est immense... ! Selon une étude du toujours très honorable et sérieux Institut National du Cancer (l'INCa-France), les dépenses hospitalières et médicamenteuses pour la prise en charge du cancer en France se sont élevées à 7,25 milliards d'euros en 2012. Le coût total des molécules anticancéreuses représente 30% de ces dépenses, soit 2,175 milliards d'euros...

 

Depuis les cinq dernières années, ce dépistage systématique au plan national est donc fortement ­discuté, et ce pour plusieurs raisons.

Car, malgré cette énorme et coûteuse campagne nationale l'objectif visé (65%) n'est pas atteint.

A peine plus de la moitié des femmes concernées y participent.

Une des raisons majeures de la forte réticence des femmes à être "dépistée" tient au fait que, outre les risques mentionnés de faux positifs entraînant un surdiagnostic, et de cancers radio-induits, c'est la douleur de l'examen qui en fait reculer plus d'une !

 

Dans une étude publiée dans One study, 46 % des femmes qui ne sont pas retournées faire leur deuxième  mammographie, citent comme raison la douleur de l’examen.

Car il faut le dire, faire une mammographie est tout sauf une partie de plaisir.

Pour les radiologues masculins, certains admettent, en l'absence d'expérience personnelle que "ce n'est pas très agréable"....

Les femmes en revanche n'hésitent pas à affirmer que "c'est franchement douloureux".

En effet pour que l’image soit lisible et donc exploitable et que la dose de radiation soit moindre, l’appareil doit presser fortement le sein. 

Et cette pression est pour la grande majorité des femmes extrêmement douloureuse, voire insupportable, à tel point que, parmi les femmes qui ne sont pas retournées faire leur deuxième mammographie, 46 % citaient comme raison la douleur de l’examen.

 

Et j’ajouterai, que cet examen est humiliant, car souvent fait avec bien peu de respect de la femme... On ne nous regarde pas, nous n'existons pas : nous ne sommes que ces deux (parfois une seule) mamelles que l'on prend et tripote comme un morceau de bidoche, et pose sans ménagement entre les deux lamelles de l'appareil, avant de la presser pire qu'un citron ! Et une fois pressée à l'horizontale, on remet ça à la verticale.

Et si, à deux doigts de vous trouver mal vous osez dire "aïe" ou "stop !" on vous répond sans arrêter pour autant  "oh que vous êtes douillette !" 

 

Je suis repartie la dernière fois de cet examen avec un bel hématome sur le sein. 

 

Au fait, à quand un dépistage national organisé pour les cancers de la... prostate ???

Pourquoi les hommes n'ont-ils pas les honneurs d'un dépistage national systématique ?

Aurait-on peur de toucher à leur virilité ?

La réponse scientifique fournie est autre : peur d'un pourcentage trop élevé de sur-diagnostic... Tiens donc ?

Aussi l'on préfère que les hommes fassent leur choix en toute autonomie.

Les femmes, c'est bien connu, sont trop "infantiles" pour faire un choix autonome et éclairé...

D'où cette forme d'injonction qu'est la dépistage national, et... la campagne médiatique qui en dérive : Octobre Rose.

 

Je reviens donc sur cet "Octobre rose" et surtout au fameux petit "ruban rose"

sensé être le symbole international de la lutte contre le cancer du sein 

 

crédit photo ©Getty Image
crédit photo ©Getty Image

Pour ma part, alors que je devrais défendre cette campagne, je ne sais, en fait, que penser de cette "marque rose". Je lui trouve comme un arrière, sale goût d'Etoile Jaune... Une sorte de stigmatisation.

 

Et puis depuis 1992, l'année où Evelyn Lauder, vice présidente de la marque de cosmétiques Estée Lauder, a lancé cette campagne pour inciter les femmes à pratiquer un auto-dépistage, grâce à ce petit bout de ruban, les objectifs du "pink ribbon" se sont multipliés au fur et à mesure que le ruban était repris par d'autres entreprises.

Il est souvent simplement associé à la conscience du cancer et ce flou, hélas, sert à couvrir et recouvrir un peu tout et n'importe quoi.

Cette campagne est désormais instrumentalisée, on se sert de cette petite marque rose pour faire vendre des produits souvent eux-mêmes... possiblement cancérigènes ou en tout cas pleins de "chimiqueries" en tous genres.

Comme le vert ou le bio qui font vendre grâce au "greenwashing", le ruban rose est lui aussi détourné pour du "pinkwashing"....

 

Le cancer du sein ce n'est pas un ruban rose !

Breast Cancer is Not a Pink Ribbon  ! 

 

L'association activiste Think Before You Pink dénonce les dérives nombreuses que ce flou a créées.

 

 

Soyons vigilantes, ne nous engluons pas dans la guimauve molle des sirènes médiatiques, les discours mielleux et culpabilisants, les campagnes et les animations nationales, la stigmatisation... et le merchandising qui récupère les meilleures intentions du monde et de notre siècle.

En attendant que l'on trouve un moyen de prévenir, ou au moins de dépister de façon moins barbare et douloureuse un éventuel cancer du sein, apprenons nous mêmes les bons gestes, apprenons à nous prendre en charge et à faire de l'auto-surveillance tout en gardant humour et bon sens !


Documentation

 

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Dépistage organisé des cancers du sein par mammographie : à faire évoluer. Lettre du 14 octobre 2016 à la Ministre de la Santé
2016-14 octobre_lettre _ministre_sante_d
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DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN PAR LA MAMMOGRAPHIE (COLLABORATION COCHRANE)
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CANCER ROSE : dépister le cancer du sein, une décision qui appartient à chaque femme
CANCER ROSE depistage_une decision qui a
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Technique d'autopalpation des seins
Autopalpation

Cet exercice est important pour le dépistage du cancer du sein. Toute femme doit le faire et être en mesure de le faire. Exercice facile, il est tout de même important d’apprendre les bons gestes pour limiter le risque de passer à côté d’une anomalie du sein. L’autopalpation des seins doit être pratiquée en première partie du cycle. Chez les femmes ménopausées il est conseillé de choisir une date fixe.
technique d'autopalpation des seins.pdf
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